1/ Faire durer ses objets devient une nouvelle pratique de distinction sociale
Comment se fait-il que certains consommateurs gardent leurs objets longtemps alors qu'ils auraient les moyens de les renouveler ? C'est la question que ce sont posées les sociologues Maël Ginsburger et Julie Madon, dans un article récemment publié dans la revue Sociologie.
Faire durer les objets est, historiquement et encore aujourd'hui, perçu comme "une pratique de pauvres". C'est pallier à un manque ou à un accident qui pourrait advenir dans le futur, c'est avant tout lié à des contraintes budgétaires.
Mais beaucoup de ménages et d'individus aisés le font aussi : pour des raisons éthiques et politiques, mais aussi par amour pour les aspects techniques de la réparation ou l'esthétique des vieux objets. Également en lien avec les nouveaux enjeux environnementaux.
Cet allongement de la durée de vie des objets participent ainsi à de nouvelles formes de distinction sociale, notamment par rapport aux ménages issus des classes populaires, mais aussi des classes supérieures plus "classiques". Les discours que ces individus invoquent pour justifier leurs pratiques deviennent des discours de distinction. Faire durer ses objets permet à ces ménages très aisés d’affirmer des formes de distinction alternatives à la consommation ostentatoire. Autrement dit, être riche, sans se vivre ou se montrer comme riche, et valoriser une sorte d'anti-consumérisme, voire une posture éthique de protection de l'environnement.
https://www.cairn.info/revue-sociologie-2023-1-page-29.htm?contenu=resume
2/ Se faire livrer ses repas est une flemme ancrée dans les pratiques
Si cuisiner demeure un réel plaisir aux yeux des Français, le dernier Zooms de l'Observatoire Cetelem met en évidence que la livraison de plats s’installe durablement et vient concurrencer directement les sorties au restaurant.
D'abord, un quart des Français se déclare totalement adepte de la livraison de repas à domicile. C'est un mode de vie avant tout urbain et jeune, les données grimpant en agglomération parisienne (41%). C'est aussi une habitude qu'il est de plus en plus difficile de se défaire. Le service est en effet devenu indispensable pour une proportion importante des Français. Parmi les adeptes de la livraison, ils sont 56% à déclarer ne plus pouvoir s’en passer, un chiffre qui bondit à 75% pour les plus aisés. 44% des adeptes indiquent également y recourir davantage aujourd’hui que l’année dernière. Ils sont encore 6 sur 10 à reconnaître dépenser plus d’argent dans ces services que dans les restaurants, avec un budget moyen qui s’établit à 83 € par mois (121 € pour les plus aisés).
L'ancrage de la livraison s'inscrit dans des paradoxes. Les Français sont devenus adeptes de la livraison, alors que nous vivons dans une société où le "fait maison" est au coeur des habitudes. Aussi, en plein contexte inflationniste, les Français continuent de se faire livrer alors que les prix sont plus élevés. De manière surprenante même, 54% des adeptes de la livraison sont parmi les foyers à faible revenus.
La réponse est peut-être à aller chercher dans le "plaisir de chiller". Le service est perçu comme un gage de plaisir pour 50% des utilisateurs de la livraison.
https://observatoirecetelem.com/les-zooms/livraisons-a-domicile-drive-le-gout-du-moindre-effort
3/ Cinq regards sur le phénomène du #foodporn
Pour finir sur l'alimentation, nous vous partageons le thème à succès du dernier numéro de la revue Communication & langages "#foodporn, les "mobiles" du désir". La revue consacre en effet un dossier à l’exploration sociologique et sémiologique de ce phénomène d’esthétisation de la nourriture devenu planétaire.
Popularisées à travers Instagram ou TikTok, les pratiques de la
food porn (photographies ou vidéographies mobiles de mets culinaires) interrogent les usages numériques des mises en scènes de la vie quotidienne et leur esthétisation (filtres, cadrages, métadonnées). Sous l’étiquette #foodporn, le partage de ces images devient une pratique culturelle en tant que telle et ses enjeux articulent des problématiques liées à l’économie du mobile, les représentations sociales ou même les logiques des plateformes socio-numériques.
La revue expose cinq études permettant d’y voir plus clair sur ce phénomène massif. Les deux points de vue sémiologiques sont notamment intéressants. Le premier explore les interactions entre représentation du corps féminin et de la nourriture, soutenant qu’il s’agit plutôt d’une érotisation que d’une pornographie, alors que le second insiste sur le processus de "pornification".
Bon appétit ;-)
https://www.puf.com/content/Communication_et_langages_2022-3_n°_213
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