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C’est le printemps,
lisons vert ! 

par Mathilde Balsan, Content Strategist

Balade dans la forêt, dessins et essai pour passer d’Iron Man à poète, voici trois œuvres inspirantes pour aborder l’année 2024 avec un regard aiguisé et une volonté d’agir sur le monde.

Dans la forêt de Jean Hegland


- Je ne peux pas me servir de mon ordinateur ou de mes cassettes de langues, les piles de ma calculatrice sont mortes. Il ne me reste même plus de papier.
- Lis, alors. Les livres n’ont pas besoin de piles.

Le roman commence par une fin : l’apocalypse. Un moyen littéraire de nous plonger au cœur des arbres par l’histoire de deux femmes coupées de tout et qui, pour survivre, doivent s’adapter à la nature, non plus l’inverse. Si nous pourrions être tenté de qualifier son œuvre de dystopique parce que la consommation et la pollution ont causé la perte de l’humanité, l’auteur s’en défend, affirmant que ce que ces deux orphelines vont traverser en se détachant progressivement de leurs objets et des écrans apporte son lot d’espoir. Le message n’est pourtant pas de tout abandonner pour se déshabiller et courir dans les bois, mais bien de se reconnaître à nouveau comme des animaux éphémères sur cette planète, de retrouver le goût de l’effort et la chance de la paresse. En effet, si j’ai soif je passe directement me prendre une boisson au coin de la rue et je jette la bouteille ensuite, je réponds à mon besoin par une expérience instantanée sans en ressentir l’urgence, c’est ce que Jean Hegland appelle « la grâce de l’indifférence du consommateur ». Si ce mode de vie finissait, si cette profusion et ce manque de conscience venait à disparaître, peut-être ressentirions-nous un amer mélange de honte d’en avoir abusé et de culpabilité de ne pas avoir assez profité : “Quand je pense à la façon dont nous vivions, à la
désinvolture avec laquelle nous usions les choses, je suis à la fois atterrée et pleine de nostalgie.” L’état de liberté qu’elles apprennent à retrouver sera pleinement atteint une fois qu’elles auront réalisé le deuil du monde tel qu’il était.

Le monde sans fin de Jean-Marc Jancovici et Chistophe Blain


- C’est la fin du monde Jean-Marc ?
- Idéalement, pas tout de suite.

Cette Bande-Dessinée est illustrée par Christophe Blain qui a gagné deux fois le prix du meilleur album au festival d’Angoulême dont l’un d’eux a été adapté au cinéma par Bertrand Tavernier, basé sur les travaux de Jean-Marc Jancovici, polytechnicien hyperactif : militant de la première heure, ingénieur, conférencier, vulgarisateur, professeur à l’Ecole des Mines. Elle s’attaque au climat et plus précisément à l’énergie dont nous dépendons tous pour le meilleur et pour le pire, et si l’éco-anxiété devient un sujet de santé publique, une manière de diminuer l’angoisse serait de cerner mieux le problème et ses enjeux ou encore de sortir du déni pour agir et propager le message dès à présent. Le medium du dessin associé au talent de Jancovici pour rendre accessible une quantité incroyable d’information facilitent la lecture de cette BD afin de nous faire comprendre que le monde que l’on considère comme « naturel » sans se poser de questions est une machine très bien rodée. Pour reprendre la métaphore utilisée : nous vivons avec un exosquelette permanent, tout comme le personnage d’Iron Man. Ce prédécesseur d’Ulysse risque de brûler ses ailes en acier lorsque les énergies fossiles, dont on ne peut entièrement se passer, vont venir à manquer. Elles sont aujourd’hui nécessaires pour pouvoir organiser une transition et ce, avant qu’elles ne s’épuisent.

Il faut une révolution politique, poétique et philosophique d’Aurélien Barreau


« Il ne s’agit plus de commenter ou de comprendre le réel : il s’agit de produire du réel. Ce qui tue aujourd’hui et avant tout, c’est notre manque d’imagination. L’art, la littérature, la poésie sont des armes de précision. Il va falloir les dégainer. Et n’avoir pas peur de ceux qui crieront au scandale et à la trahison. »

On préfère prévenir, ce court essai n’a strictement aucun rapport avec l’éloge du New Age. S’éloigner des concepts de croissance verte ou de fiscalité vertueuse pour prendre du recul car aucun système d’oppression auparavant - que ce soit le colonialisme ou la féodalité - n’a pu être réformé : « l’oppression ne se réforme pas, elle s’abat ». Ceux qui connaissent un peu l’auteur savent qu’il est un physicien et
théoricien pointu, s’il loue les talents de vulgarisateur de Jancovici, lui préfère définir l’énergie comme une capacité d’action sur notre environnement. Mais à quoi bon le modifier quand celui-ci est parfaitement adapté à nos besoins ? Veut-on vraiment d’un monde fait d’ingénieur ingénus ? En ancien français, « ingénieur » signifiait « constructeur de machines de guerre »… Certes on peut se demander comment limiter la casse ou trouver des subterfuges nous permettant de se promener dans des forêts virtuelles pendant que celles sur Terre prennent feu. L’urgence serait moins la réduction du bilan carbone que la prise de conscience globale de la contingence de nos constructions, il faudrait alors opérer une révolution du désir en lui-même. Ne plus le considérer comme une forme d’accès au plaisir mais une valeur propre. Dans ce contexte, le poète n’est pas un vagabond qui s’allonge près d’une
rivière en contemplant les nuages, c’est celui qui connaît la précision et la rigueur des rimes en même temps qu’il se sent obligé de réinventer le monde et le maniement du langage à chaque ver. Notre société a grand besoin de poètes.
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