1/ Génération anxieuse
La génération Z, née après 1996, serait-elle marquée par une anxiété omniprésente, façonnée par un modèle d’enfance inédit ?
C’est la thèse que développe le psychologue Jonathan Haidt dans
The Anxious Generation. Selon lui, deux bouleversements majeurs survenus au tournant des années 2010 – la montée des smartphones et des réseaux sociaux, et une éducation surprotectrice – ont profondément redéfini l’expérience de l’enfance. En cela, l'anxiété serait devenue LE trouble mental dominant.
Les chiffres sont édifiants : +135 % d’augmentation des troubles anxieux chez les adolescents depuis 2010, des tentatives de suicide en forte hausse, et des symptômes physiques et psychiques alarmants.
D’un côté, les jeunes sont immergés dans un monde virtuel permanent, soumis aux jugements et comparaisons incessantes des réseaux sociaux. De l’autre, par peur des dangers extérieurs, ils ont été privés des expériences formatrices du jeu libre et du risque dans le monde réel. Un des signes éloquents du phénomène : la chute drastique du nombre de fractures dans cette génération. Par crainte du petit nombre d’agresseurs qui pouvaient rôder dans le quartier, combien de parents ne laissent plus rentrer seuls leurs enfants de l’école, combien supervisent étroitement tous leurs loisirs et interactions dans le monde réel ?
Résultat : une génération en quête de "safe spaces", davantage dans la défensive face aux menaces perçues que dans la découverte et l’expérimentation.
La génération anxieuse
2/ Ces parents qui mettent des AirTags à leurs enfants
Si la gen Z est une génération anxieuse, que dire de leurs parents ?
Les dispositifs de géolocalisation, comme les AirTags, séduisent en effet de plus en plus de parents inquiets. Qu'est-ce que ces AirTags? Ce sont des outils qui permettent de suivre en temps réel les déplacements des enfants, offrant une tranquillité d'esprit face aux craintes de disparition ou d'accidents. Ils sont présents notamment dans les cartables, les sacs, les vêtements des enfants. Dans un monde perçu comme de plus en plus dangereux, ces technologies apparaissent comme un moyen rassurant d’assurer leur sécurité tout en leur permettant une certaine liberté.
Cette pratique, encore marginale, soulève des questions profondes sur l’équilibre entre protection et intrusion. D’un côté, les parents y voient une solution à leur anxiété face à des menaces, réelles ou amplifiées par les réseaux sociaux ou l’actualité. De l’autre, des experts alertent sur les risques d’une surveillance constante : perte de confiance mutuelle, difficultés pour les enfants à développer leur autonomie, et dépendance psychologique des parents à ces technologies.
Cette hyper-surveillance numérique, parfois perçue comme un prolongement de la parentalité bienveillante, révèle une tension plus large : celle d’une société où les frontières entre protection et contrôle s’estompent. La géolocalisation devient ainsi une réponse technologique à une peur sociétale.
Ces parents qui mettent des AirTags à leurs enfants
3/ Le "sittervising", ou comment surveiller sans bouger de son canapé
Autre tendance de la parentalité, le "sittervising".
De quoi parle-t-on ? Il s'agit d'une nouvelle approche qui consiste à surveiller ses enfants à distance, tout en s’accordant un moment pour soi. Popularisé sur les réseaux sociaux, ce concept repose sur une idée simple : les parents restent présents sans intervenir dans les jeux de leurs enfants, favorisant ainsi leur autonomie.
En réalité, nombreux parents le pratique sans le savoir ou le nommer. Concrètement, il s'agit de rester dans la pièce quand les enfants jouent, de rester sur le canapé à faire autre chose quand les enfants regardent un dessin animé ou un film... Tout autre situation de cohabitation qui reproduit à la fois l'autonomie de l'enfant, avec le contrôle des parents.
Mais cette méthode soulève des paradoxes. Si elle offre un répit bienvenu aux parents, elle s’inscrit aussi dans une société où la parentalité est scrutée et normée. En valorisant une forme de lâcher-prise, le "sittervising" devient une réponse à la charge mentale tout en posant une question essentielle : peut-on réellement conjuguer bienveillance parentale et besoin de liberté et de confiance des parents ?
Les pratiques de "sittervising"