1/ Le luxe aurait perdu 50 millions de clients en 2 ans
Pour la première fois depuis la crise de 2008, le marché mondial du luxe entre en contraction. Le secteur devrait ainsi reculer de 1 % à 3 % en 2024, pour atteindre 1 500 milliards d’euros. Ce ralentissement s’explique en partie par le retournement du marché chinois et la baisse de la demande aux États-Unis.
Au-delà, cette crise révèle une fracture générationnelle qui dessine peut-être une nouvelle sociologie du luxe. Si les ultra-riches sont de plus en plus nombreux et sont captés par de grandes maisons, nombre d'entre elles avaient réussi à conquérir de nouveaux publics en démocratisant une partie de leurs produits. Or, la stratégie de "premiumisation", consistant à augmenter les prix pour compenser la baisse des ventes, a exclu une partie des consommateurs, notamment les moins de 35 ans.
Cette tendance a débouché sur un rétrécissement de la base de clientèle, avec une estimation de 50 millions de clients perdus depuis 2022. Les prix stratosphériques pratiqués par les marques de maroquinerie (3 000 euros pour un sac Dior en coton, plus de 5 000 euros pour un fourre-tout Hermès, etc.) auraient rebuté les représentants de la génération Z, c’est-à-dire les moins de 35 ans, qu’elles étaient parvenues à conquérir, en particulier en Chine.
Ces jeunes, frappés par l’inflation et le chômage, considèrent désormais ces produits comme inaccessibles, faisant évoluer la sociologie du secteur du luxe et à repenser les propositions de valeur.
Le luxe rencontre sa première phase de ralentissement depuis 15 ans
2/ Ces "dupes" qui bouleversent le marché du luxe
On pourrait vous faire le fameux jeu de mot sur le "marché de dupes". Mais en plein Black Friday, une réalité moins glorieuse pour les marques de luxe s'impose dans le contexte exposé plus : les offres de produits de luxe imités pullulent, dopées par les réseaux sociaux et l'engouement des jeunes.
De quoi parlons-nous? Le mot "dupe" - contraction du terme anglais "duplicate" ou copie en français - désigne des alternatives bon marché aux produits de luxe, mais qui ne reproduisent pas exactement les logos ou les détails protégés par les marques, ce qui signifie qu’elles restent dans le cadre légal et ne peuvent être considérées comme des contrefaçons. Aussi et surtout, ces produits sont très souvent de bonne qualité, voire de très bonne qualité. On les retrouve autant dans de grandes enseignes, chez de grandes marques, comme chez Action ou Normal. Les dupes frappent tous les secteurs du luxe, et sont très présents dans les cosmétiques et la parfumerie.
Le phénomène a pris de l'ampleur grâce aux réseaux sociaux. Notamment par les influenceurs beauté sur Instagram ou TikTok, où tout paraît ludique et où chaque nouveauté se rapproche de plus en plus des vrais produits. Un Amazing Life fait ainsi penser à La vie est belle de Lancôme. Il existe aussi une Mademoiselle Gabrielle, Mademoiselle Isabelle et d'autres fragrances… qui font forcément songer à Coco Mademoiselle de Chanel ou d'autres parfums de la maison de la rue Cambon.
Ce marché en forte expansion pose question aux grandes maisons de luxe qui sont déjà sur des marchés en récession, et notamment sur les prix qui ont fortement augmenté ces deux dernières années et qui ont éloignés une grande partie des consommateurs.
Les "dupes" cartonnent pour le Black Friday
3/ Les contradictions de l'hôtellerie responsable
Face à une quête grandissante d’authenticité et de bien-être, l’hôtellerie de luxe se réinvente en adoptant le concept du slow luxury. Loin des expériences ostentatoires et accélérées, ce modèle valorise la reconnexion à la nature, la durabilité et des moments de pleine conscience. Cependant, cette stratégie révèle des contradictions notables.
Erica Lippert, chercheuse à l'Université libre de Bruxelles, analyse cette dualité en s'appuyant sur deux exemples : le projet Cidade Matarazzo à São Paulo et le complexe Six Senses Con Dao au Vietnam. Ces établissements se présentent comme des havres écologiques, offrant des expériences luxueuses en harmonie avec la nature. Toutefois, ils incarnent également une privatisation de lieux naturels, réservés à une élite fortunée, tout en promouvant une image de durabilité.
Ce mouvement s’inscrit dans une tendance globale, où le luxe ne se mesure plus à la quantité mais à la qualité de l’expérience. Les hôtels qui embrassent cette vision offrent bien plus qu’un séjour : ils proposent une parenthèse régénératrice, en harmonie avec les attentes d’une clientèle en quête de sens, de durabilité et de bien-être profond. Mais la chercheuse questionne la juxtaposition de luxe ostentatoire et de préoccupations environnementales peut apparaître comme une tentative de "greenwashing", visant à atténuer les critiques sans apporter de changements significatifs.
La communication ambivalente des hôtels de luxe responsable